Je marche dans les pas de mes rêves

des-empreintes-de-pas-dans-le-sable-5234427Les commentaires liés à mon précédent post m’ont beaucoup touchée. Je crois que c’est l’un des billets où les réactions m’ont le plus émue, où j’ai découvert des lectrices, via commentaires ou mails, qui me disent qu’elles aiment venir me lire, que mes mots les encouragent, les confortent, les rassurent. Les échanges de commentaires m’ont étonnée aussi mais, en les relisant, ne m’ont pas beaucoup surprise finalement.

PMette j’ai été, PMette je suis, PMette je resterai toute ma vie. Après 4 ans de combat intense, je ne deviens pas fertile parce qu’aujourd’hui je suis enceinte. Aigrie je l’ai été, oui, et sans vouloir être sectaire, seules les PMettes peuvent véritablement comprendre ce sentiment. Je ne m’en veux pas de ne pas être allée certains jours sur les blogs de PMettes enceintes, je ne m’en veux pas de ne pas avoir commenté instantanément à la nouvelle d’un beau +, je ne m’en veux pas non plus de ne pas avoir rencontré des amies enceintes. J’ai mis toute mon énergie dans mon combat. Le reste passait après, oui. C’est un instinct de protection.

Il faut comprendre combien les femmes enceintes constituent une sorte d’attraction-répulsion pour les Pmettes en galère. Une dévalorisation malsaine qui creuse encore plus le trou dans lequel on se trouve. Et alors que je réfléchissais à tout cela, je me suis remémorée cette histoire, que je vous conte aujourd’hui bien volontiers.

Lorsqu’on est PMette et francilienne, le redoutable nid à femmes enceintes, c’est le métro. Pas un seul trajet sans femme enceinte sur le chemin.

Certains jours je les haïssais. Je fuyais pressément. Je pestais contre elles dans ma tête. Ces pauvres petites choses fragiles, choyées par tous car portant la vie, inéluctablement égocentrées et introverties, incapables de la moindre empathie car totalement autocentrées par ce qui se passe autour de leur nombril.

Certains autres jours je les observais. Pas de répulsion dans mon regard, mais un examen physionomique appuyé. Qu’est-ce qu’elle a bien pu faire, dire, boire, manger que je n’ai pas fait pour y arriver ? Mes embryons étaient de bonne qualité, mon endomètre parfait, pourquoi elle, pourquoi pas moi ? Est-ce parce qu’elle paraît plus mince, moins stressée, plus sûre d’elle ? Ah, elle porte un pull jaune, je n’aime pas porter du jaune, c’est peut-être à cause de ça ? Oh, elle a des converses, je n’en ai pas, faudrait peut-être que je pense à m’en acheter…

Personne n’arrivait à expliquer que mes embryons ne se soient pas accrochés, personne n’arrivait à expliquer que chacune des FIV se solde par un échec, personne ne savait quoi dire, quoi faire, quoi me faire faire, pour trouver la solution. Puisqu’on ne peut expliquer totalement l’origine de la vie, les conditions d’une accroche,  je m’en suis remise à une sorte d’oracle ou d’occultisme.

Parfois, lorsque l’une d’entre elles descendait à la même station que moi, je la laissais me devancer pour marcher juste derrrière elle. Cet être humain qui marchait devant moi avait réussi à obtenir ce que je n’arrivais pas à devenir depuis des années.

Alors je marchais en mettant mes pas dans les siens.

Parce que cette magie qu’elle portait en elle, pourquoi ne pouvait-elle pas transpirer à travers ses chaussures, en traverser le caoutchouc des semelles élimées, se déposer sur l’asphalte poussiéreuse, puis s’accrocher à mes pas et m’enchanter à mon tour ? Je ne trouve finalement pas cela plus saugrenu que le « on croise les doigts! » que SuperDoc nous lançait après chaque transfert alors que nous partions, l’ordonnance d’utrogestan, de provames et autre aspégic nourrisson sous le bras.

Aujourd’hui j’ai le bonheur de marcher dans les pas de mes rêves.

Et je ne porte toujours pas de jaune.

37 réflexions sur “Je marche dans les pas de mes rêves

  1. Oh comme c’est beau! Merci pour ce billet! Les commentaires de Silver, Sybille et de Céline m’ont tellement touchée…Merci les filles! Et bonne écho à toi, jolie Lueur.

  2. Bonjour,
    J’ai très rarement commenté sur votre blog, mais le lis assidûment.
    Je suis un petit sous-marin, tout petit. J’ai 22 ans, et suis encore bien loin de m’imaginer avec des enfants, je suis simplement incapable de dire si j’en aurais un jour.
    Pourtant, je tenais à commenter pour vous dire qu’il y a des personnes, comme moi, qui sont incapable d’imaginer le désir de maternité, et encore moins d’appréhender la souffrance que vous pouvez ou avez pu ressentir, mais qui malgré tout compatissent.
    Cela fait maintenant presque deux ans que je suis plusieurs blog de PMettes. Au début, je cherchais simplement un témoignage, par curiosité. Je suis tombé sur un blog, et un autre, et un autre. Et le vôtre. Qui est donc dans mes signets. Je suis incapable de vous expliquer pourquoi je reviens. Il y a certainement une sorte de voyeurisme, qui, je l’espère, ne vous blesse pas.
    Mais il y a aussi, et surtout, un empathie profonde, un réelle sympathie, une sincère joie quand des plus s’affichent, une handicapante boule dans la gorge quand les souffrances sont vives, un grand sentiment d’injustice face à l’idée que peut-être, j’aurai des enfants « de l’amour » un jour, et que votre parcours à été si dur et truffé de ronces.
    Si ce jour vient, j’ose espérer que vos récits, touchants, bruts et beaux, comme ceux des autres PMettes, m’auront inculqué la délicatesse, le respect, le soutien, et que je ne serai pas égoïste dans ma grossesse, car je ne sais jamais quelle brûlure peut enflammer le coeur de ma voisine dans le métro.
    Je ne comprends pas. Je ne peux pas. Mais les sentiments sont vrais, je vous l’assure.
    Il y en a des comme moi.

  3. C’est tellement ça, c’est tellement vrai…merci pour ce très beau texte.
    Je pense que c’est le cas de beaucoup de pmettes mais à chaque fois que je te lis je me dis qu’on se ressemble beaucoup.

  4. Quel beau texte… Quels superbes mots… Quel magnifique titre !

    Oh oui, on en ressent de l’amertume, de la colère, de l’envie, de la jalousie, et en même temps de la culpabilité. Je les ai haïes, mes amies, mes collègues, surtout celles qui ne comprenaient pas mes larmes que je cachais fissa, et qui en rajoutaient (parfois par maladresse, mais parfois par méchanceté : quand on ne s’apprécie pas, il est si facile de blesser en utilisant la fertilité comme comparaison….soupir, c’est vil, mais je l’ai vécu et je l’ai très mal encaissé).

    Oui je tentais aussi les grigris, les actes « magiques », j’essayais de décoder ce qui était différent chez ces femmes enceintes, leurs gestes, leurs mots, leurs vies. Et bon sang comme je me suis sentie souvent « bête » d’espérer…Mais au bout de mon tunnel, qui a duré 15 ans, j’ai eu mon bébé « fait par hasard ». Et ce dicton : « le hasard fait parfois bien les choses » est devenu mon leitmotiv. A défaut de comprendre pourquoi et comment.

    Je te souhaite une merveilleuse grossesse, un superbe petit bout de toi, de vous 2 🙂

  5. Quel beau billet.
    Je n’ai jamais suivi une femme enceinte dans le métro, mais je trouve cette idée de mettre tes pas dans les siens très belle, presque poétique – un petit côté Philippe Delerm.
    Et ta dernière phrase « Aujourd’hui j’ai le bonheur de marcher dans les pas de mes rêves. »
    Elle est juste magnifique…

  6. Merci pour ce beaux billet tout en douceur et compréhension.
    A Sybille, merci de nous avoir lu, merci d’essayer de nous comprendre, telles que nous sommes devenues.
    bises les filles 😉

  7. ça me rappelle un billet sur le blog d’une fille, un blog sympa que je suivais. Elle avait 2 enfants et un billet, en Janvier… Elle expliquait en 2 lignes son combat en PMA pour ses 2 premiers enfants et puis… comme ça, naturellement, un 3ème bébé qui s’installe à sa plus grande surprise et pour son plus grand bonheur. Et elle écrit ces mots magiques  » un bébé, comme ça, fait avec juste de l’amour »… C’est une phrase qui m’a marqué parce que pour moi c’est la chose qui me fascine le plus : faire un enfant juste avec de l’amour. Un truc de fou pour moi…
    Enceinte de Marvellous je me suis souvent inquiétée combien de femmes croisées dans la rue ont eu cette pointe au coeur en me voyant, imaginant la facilité pour le concevoir;..
    Encore aujourd’hui, j’envie cette insouciance, cette naiveté et cette facilité qu’ont certains de faire leur bébé….
    Superbe titre ..

    • merci pour ce com’. C’est vrai que je me dis souvent que ce combat me rend plus forte, rend notre couple plus fort (surtout aujourd’hui c’est sûr). Mais c’est vrai qu’un bébé fait avec « juste de l’amour » comme tu dis, ça fait envie. bises à toi

  8. je me reconnais aussi tellement dans cette « attraction/répulsion » dont tu parles… envie d efuir les femmes enceintes parce que ça fait trop mal… et en même temps, ne pas se « couper » du monde de bébés, parce qu’après tout c’est ce vers quoi on tend et on ne peux pas en faire un « bouc émissaire »…
    bravo encore pour cet article si touchant, si bien écrit, avec LES mots justes….
    Bisettes des montagnes!

  9. J’ai l’impression que tu racontes ma vie 😉 Mais je n’en ai jamais suivie une!! Finalement, tu es plus dingo que moi!! (humour!)
    Bisous

  10. Pour un 1er commentaire sur ton blog, je ne vais pas faire très glamour mais ton expérience m’a rappelée la mienne : une fois dans le train, assise en face d’une femme enceinte qui toussait, je me suis surprise à penser « oui tousse-moi dessus si ça peut me permettre de tomber enceinte moi aussi! ». C’est certains, la pma rend zinzin!
    Bonne continuation à toi.

  11. Ton billet me bouleverse, parce que tu décris si bien un état que je ne connais pas et que en effet je ne pourrais jamais vraiment imaginer. Cela vous a peut-être paru facile et attristé que je puisse écrire « ne soyez pas aigries », et dans ce cas je m’en excuse sincèrement… je prends petit à petit la mesure de la souffrance qui consiste à espérer pendant de longues années ce bonheur absolu d’avoir un enfant, guidé par cette envie viscérale… et je vois bien qu’elle n’a pas d’équivalent, oui, c’est vrai. Il y a d’autres galères et souffrances, mais celle-ci est à part, toujours tournée vers l’attente de la Vie.

    J’ai plusieurs PMettes dans mon entourage, et je crains d’avoir été maladroite, d’autant plus d’ailleurs que je ne voulais surtout pas l’être et qu’à force de vouloir préserver on en perd sa spontanéité, et dans ces cas je me disais que pour la collègue/copine/cousine ça devait être pire que tout de sentir cette gêne, une sorte de double peine pour elle, alors je n’en rajoutais jamais sur mes grossesses mais j’en parlais « normalement » quand même. Mais quand je lis ton article où tu parles de cette collègue qui camouflait son ventre, quand je lis que tu es reconnaissante pour cela, oui, je réalise qu’il nous est impossible de nous mettre à votre place et très difficile de savoir vous préserver. Je ne dis surtout pas cela sur un ton agacé, du genre « qu’est ce que vous êtes compliquées », au contraire, je me sens triste de cette incompréhension fondamentale qui empêche un certain niveau de communication.

    Un cousin de mon mari a appelé l’autre jour pour nous annoncer qu’ils attendent des jumeaux. Ils n’ont jamais évoqué leurs galères mais nous nous sommes mariés à quelques semaines d’écart il y a bientôt 6 ans. J’ai fondu en larmes et j’ai osé dire combien j’étais bouleversée, et après j’ai eu peur que ça leur paraisse déplacé. Mais depuis nous correspondons un peu, je suis en train de trier mes habits de grossesse pour elle, et je pense tous les jours à ses petits locataires. Le jour où la roue tourne, parfois les liens se nouent, ou se renouent. Mais j’ai mal pour cette collègue qui me fuit quand je passe au bureau avec mon bébé en écharpe, alors que nous avons été si proches, je ne lui en veux évidemment pas, je lis une telle souffrance dans son regard et je ne peux rien faire contre le fait de la faire souffrir quand elle me voit, réveiller cela chez elle à chaque fois.

    Vous lire m’aide à mieux comprendre vos sœurs de galère, et me bouleverse parce que rien ne justifie vos parcours si douloureux. Je continuerai donc à venir, si mon soutien ne vous paraît pas déplacé, et en toute amitié continuerai d’espérer.

    • Sibylle, je suis très touchée par ton commentaire, et par l’empathie qui en émane. Tu as l’air de comprendre ou tout du moins toucher du doigt la souffrance que l’on peut ressentir dans nos parcours, alors que tu ne l’as pas vécu – et c’est (de par mon expérience en tout cas) assez rare. Rien que le fait que tu viennes lire des blogs comme celui de la Lueur, et que tu cherches à avoir la meilleure attitude possible vis à vis des PMettes de ton entourage, c’est déjà énorme, et de là tu ne peux que aller dans le bon sens pour les soutenir, même si parfois tu ne pourras pas éviter des paroles ou des moments maladroits.
      Merci de ton témoignage ici; il ne me paraît absolument pas déplacé, bien au contraire, je l’apprécie beaucoup.

    • Je suis moi aussi très touchée par ton commentaire Sybille. Tu es vraiment d’une empathie extraordinaire! Merci de ton témoignage.
      Quand je parlais de ma reconnaissance à ma collègue quand elle « camouflait » son ventre, ce n’était pas tant qu’elle le fasse. Je n’aurais pas trouver déplacé qu’elle vienne me voir à mon bureau sans se cacher! Elle était enceinte quand même! Elle ne pouvais pas laisser son ventre sur son bureau avant de venir me voir! Non ce qui m’a touché c’est qu’elle y pense, qu’elle mette tout en oeuvre pour ne pas me blesser, jusqu’à cacher ce qui était plus qu’évident! Et moi je n’ai pas été là pour la soutenir dans sa grossesse. C’était ce paradoxe qui me touchait.
      Toute la difficulté pour l’entourage des Pmette est effectivement de ne pas sortir une phrase ou un mot maladroit, évidemment pas par méchanceté gratuite, mais juste parce qu’on ne sait pas. Et toute la difficulté pour une PMette est de ne pas s’enfermer dans sa souffrance et de ne voir la vie et le monde que par elle, tout en sachant se protéger avant tout quit à se couper un peu…
      Encore une fois merci de ton témoignage, merci de nous lire et d’y être si sensible. Bises

  12. Et j’espère que tu n’as pas non plus acheté de converse 🙂
    Je me reconnais complètement dans ce sentiment « d’attraction-répulsion » que tu décris, cette fascination mêlée de jalousie. Quand je pouvais encore bouger en métro, je cherchais ces regards de peut-être pmettes, en espérant que dans le mien il soit marqué « courage, on y arrive » ! bises

  13. Tes billets me font souvent sourire car je m’y retrouve! Pas de pull jaune car je déteste la couleur mais 2 paires de converses qui n’ont pas fais leur effet quand je le souhaitais! Des femmes enceintes c’est sur qu’il y en a partout mais celles que je détestais le plus par moment c’était celles de mon entourage. Et en même temps je me disais que leur grossesse ferait arriver la mienne. Ça a plus ou moins marché puisque ma meilleure amie était enceinte de 3 mois quand j’ai su que ça avait marché pour moi et elle me répétait sans arrêt que son bebe voulait des copains et que du coup ça ne pouvait QUE marcher pour moi cette fois- ci!
    Enfin des histoires comme celle-là il y en a tellement je crois!
    Je vais savoir le sexe de mes jumeaux samedi, et toi?
    Bonne continuation!

  14. C’est sûr que le métro c’est juste l’horreur. Un jour j’ai eu un ventre de femme enceinte contre mon ventre : il y avait beaucoup de monde dans la rame ce jour-là. Je ne saurai décrire ce mélange d’horreur et en même temps de « et si elle me donnait de sa magie ? » à cet instant précis. Et figures toi que je porte jamais de jaune. Ceci explique cela et tiens je vais m’acheter des converses 😉

  15. Je me suis reconnue dans ce texte pendant mes 7 années de combat, j’ai ressenti beaucoup de frustration en voyant tous ces ventres ronds. Je ne voyais que ça de toute façon et puis chaque ventre plat me paraissait suspect et je craignais toujours qu’il ne s’arrondisse avant le mien!!! Malgré tout, la patience a fini par payer et j’ai maintenant une adorable petite fille née grâce à une 4eme FIV ICSI qui va devenir grande sœur en juin prochain. Cette fois c’est une grossesse naturelle! J’ai encore du mal à réaliser ce qui m’arrive mais les p’tits coups dans mon ventre me rappellent que je suis en train de vivre la plus extraordinaire des aventures. Je repense très souvent à mon parcours, à tous ces traitements et je mesure chaque jour un peu plus la chance que j’ai eu de voir mon rêve se réaliser. Courage à vous toutes qui êtes en attente d’un joli +++++ tout peut arriver et il faut continuer d’y croire encore et encore.

  16. C’est vraiment très beau ce que tu dis et si bien décris… je ressens aussi très souvent cette « attraction-répulsion » envers les femmes enceintes, c’est exactement ça, le « pourquoi elle et pas moi »… Cela dit, j’ai toujours une tendresse et une émotion particulière lorsqu’il s’agit d’anciennes PMettes, que j’ai envie de protéger, je ne sais pas pourquoi… peut-être parce que leur grossesse est si précieuse.

  17. Magnifique billet… Tellement bien écrit… J’espère suivre tes pas… Moi aussi… Je t’embrasse bien fort !
    C’est quand l’écho 😉 ?

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